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[Presse] Le Télégramme du 10 novembre 2022 – Yannick Poligné

Chez l’abbé Poligné, accusé du viol d’un ado, des paroissiens abasourdis 

Le Télégramme : Romain Roux le 10 novembre 2022 à 20h25

Le presbytère de la paroisse de Montfort-sur-Meu, où Yannick Poligné est curé. (Le Télégramme / Romain Pouzin-Roux)


Sur la paroisse de l’abbé Yannick Poligné, à l’ouest de Rennes, la nouvelle souffle les fidèles. L’homme de 52 ans a été mis en examen le 6 novembre pour le viol aggravé d’un adolescent, qu’il aurait drogué à son insu.

Au presbytère, les visages sont consternés. Ici, dans le coquet bâtiment situé près de l‘église de Montfort-sur-Meu (35), vivait Yannick Poligné, parmi d’autres prêtres. Les habitués des lieux le connaissent très bien. « Enfin, on croyait le connaître », lâche une femme, avant d’éclater en sanglots.

L’atmosphère s’alourdit encore un peu ce jeudi 9 novembre, alors que le souffle est à peine retombé. Notre présence est apparemment de trop. Après nous, la porte est fermée à clé, les rideaux sont tirés.

Les faits reprochés à l’abbé ont de quoi abasourdir. Dans la nuit du 3 au 4 novembre, Yannick Poligné aurait violé un adolescent de 15 ans dans une chambre d’hôtel à Paris. Et ce, après lui avoir fait ingérer de la drogue – de la 3MMC, un dérivé de la MDMA, et une substance proche du GHB. Le garçon se serait réveillé seul, choqué et sonné.

Grâce à la géolocalisation de son téléphone portable, des amies sont parvenues à le secourir. Aux policiers, la victime présumée a fourni une description détaillée qui a permis de remonter jusqu’au curé. Le 6 novembre, il a été interpellé et placé en garde à vue.

« Qui ? Yannick ? Ce n’est pas possible »

Les motifs de sa mise en examen donnent le tournis : viol aggravé, provocation de mineur à l’usage de stupéfiants, usage illicite de produits stupéfiants… Mais aussi « mise en danger d’autrui ». Une qualification retenue pour une raison qui rajoute à la gravité de l’affaire : le curé, porteur du VIH, aurait eu un rapport sexuel avec le jeune homme sans l’en informer ni même se protéger, d’après des sources proches de l’enquête, citées par l’AFP.

Pour sa défense, le quinquagénaire assure qu’il pensait l’adolescent majeur. C’est en tout cas ce que le jeune déclarait sur l’application Grindr, répandue dans la communauté gay, où ils se sont rencontrés. Le rapport sexuel ? Violent, oui, mais consenti plaide-t-il, tout comme la prise de drogue.

Quant au VIH, il explique suivre une trithérapie, un traitement pour séropositif qui empêcherait la transmission lors d’un rapport sexuel – ce que confirment les sites de référence, selon lesquels les risques sont inexistants après plusieurs mois de traitement, lorsque le virus est indétectable chez la personne infectée.

À Montfort-sur-Meu, petite commune de l’ouest rennais, l’information n’a pas encore eu le temps de se répandre. Quand nous l’apprenons à deux paroissiens, rencontrés dans le bourg, c’est d’abord l’incrédulité. « Qui ? Yannick ? Ce n’est pas possible », balaient Jean* et Maryse*, deux retraités pratiquants. Ils connaissent bien l’abbé, en poste ici depuis six ans.

Alors, à chaque détail, leur visage se décompose. L’affaire est aux antipodes de l’image qu’ils ont de lui. « Nous, on ne peut pas en dire du mal. À la paroisse, il a toujours été attentif aux autres, dans l’empathie, à l’écoute. »

Une « leucémie »… En réalité le VIH

Devant les enquêteurs, l’abbé a expliqué qu’il avait l’habitude de rencontrer des hommes via l’application de rencontres homosexuelles Grindr, lorsqu’il se rendait à Paris pour son traitement. Des écarts de l’homme à son vœu de célibat, Jean* et Maryse* ne savaient rien non plus. Et sa maladie ? Un autre prêtre le confie : « Nous pensions qu’il était atteint d’un cancer. » Une leucémie, précise une fidèle. « C’est ce qu’il avait expliqué dans une homélie en septembre. »

L’affaire secoue tout le diocèse de Rennes, où Yannick Poligné officie depuis 1999. L’abbé a écumé de nombreuses paroisses : Cesson, Rennes, Betton, Redon… Ce jeudi, une réunion de crise a occupé les curés du secteur une bonne partie de la journée.

C’est l’archevêque lui-même, Pierre d’Ornellas, qui a révélé l’identité de l’homme, dans un communiqué de presse, à 13 h 30. « Je veux avant tout assurer la personne victime de ma compassion et de mon entier soutier », déclare-t-il. Douleur, colère, stupéfaction… Des sentiments que le prélat dit partager avec les fidèles et les prêtres. « Beaucoup lui ont fait confiance et se sentent trahis. »

* Les prénoms ont été modifiés


 

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