[Vidéo] Rapport 2023 sur la pauvreté en France, par le Secours Catholique
éditorial
« NOTRE SOCIÉTÉ A DE LA CHANCE DE POUVOIR S’APPUYER SUR DES FEMMES QUI, MALGRÉ L’ADVERSITÉ, SE BATTENT. »
Par Véronique Devise, présidente du Secours Catholique – Caritas France et Adelaïde Bertrand, déléguée générale.
« L’ état de santé d’une société se mesure au sort qu’elle réserve aux plus pauvres de ses membres. Mais peut-être la situation des femmes qui vivent dans la pauvreté est-elle plus révélatrice encore : voilà ce que suggère notre « État de la pauvreté 2023 ». La parole collective de ces femmes livre un premier enseignement fort : notre société a de la chance. La chance de pouvoir s’appuyer sur des femmes qui, malgré l’adversité, se battent au quotidien, avec courage, s’interdisant de baisser les bras. Elles ne le font pas tant pour elles-mêmes que pour les autres. « Quand je prends du temps pour moi, j’ai l’impression d’être égoïste », témoigne l’une d’elles, démentant ainsi l’idée que l’être humain n’agirait que dans son intérêt propre. Dans une quête de dignité indissociable de celle de leurs proches, ces femmes témoignent d’un dévouement total, jusqu’à sacrifier leurs besoins vitaux : « Même si je ne mange pas, l’essentiel, ce sont mes enfants. »
Nos chiffres sont révélateurs d’une inégalité entre hommes et femmes qui ne faiblit pas. Si les femmes sont devenues majoritaires à pousser la porte de notre association (57,5% en 2022, contre 51% en 1989), ce n’est pas un hasard : elles sont plus exposées à la pauvreté. Celles qui travaillent sont moins bien payées, plus souvent à temps partiel subi, et leurs carrières hachées se traduisent par de faibles retraites. D’autres voudraient bien travailler, mais leur situation administrative les en empêche. Si les femmes font davantage appel au Secours Catholique, c’est aussi parce que, neuf fois sur dix, ce sont elles qui assument la charge des enfants quand les couples se séparent. Elles encore qui portent majoritairement la charge mentale de tous les jours, des courses, des conduites, des repas, des papiers, des soins… le tout avec un budget impossible à boucler, qui transforme le quotidien en source d’angoisse permanente. « Ça prend de l’énergie de toujours aider les autres, tout le temps », rapporte une femme de Sauzé-Vaussais (79). Contre toute évidence, 62% des femmes que nous rencontrons sont considérées comme « inactives » si l’on s’en tient aux catégories statistiques.
Le problème, c’est que la dichotomie actifs/inactifs structure les représentations, mais aussi les politiques publiques. Aux premiers, on devrait la reconnaissance, la rémunération décente, la protection. Aux seconds d’âge actif, l’obligation de se justifier en permanence. C’est ainsi que des femmes aux vies brisées par la maladie, l’exil ou les violences, des femmes nuit et jour au chevet d’enfants, d’anciens, de personnes en situation de handicap, ou encore surinvesties dans le quartier ou les associations, sont maintenues dans l’extrême pauvreté. C’est le cas de 81% des femmes « inactives » rencontrées. Outre que tout miser sur l’emploi est illusoire pour vaincre la pauvreté, cela amène notre société à maltraiter celles qui, hors de l’emploi, prennent soin des liens vitaux, des liens sociaux. Avec l’inflation, la pauvreté frappe plus durement encore. Et si, face à cette épreuve qui nous concerne tous, nous décidions collectivement de nous tenir aux côtés des personnes en galère, et avec elles, de tourner enfin le dos à la pauvreté ? ».