Visite imprévue du château de Chambord…
Prêts, les SUF l’étaient donc, mais un violent épisode orageux est venu chambouler la première journée de rassemblement de ces jeunes de 8 à 25 ans, encadrés par plus de 4500 chefs et cheftaines. Des trombes d’eau, un fort coup de vent et de gros grêlons ont fait s’envoler plusieurs barnums. Nombre de chefs se sont agrippés aux montants des immenses tentes blanches afin qu’elles ne s’envolent pas. Mais, sous l’effet de bourrasques allant jusqu’à 150 km/h, l’imposante scène prévue pour la messe de Pentecôte et la grande veillée a fait un bond d’un mètre et demi, devenant inutilisable. Une dizaine de jeunes ont été blessés par des objets emportés par le vent, nécessitant des points de suture, et d’autres frappés d’hypothermie. Avec la Préfecture du Loir-et-Cher, les organisateurs avaient cependant pris les devants en mettant à l’abri les plus jeunes dans le Château de Chambord.
Scène inédite, 12 000 louveteaux et jeannettes se sont retrouvés – ravis – dans les majestueuses salles du château de François 1er. A l’extérieur, les plus grands avaient quitté les sous-bois par prudence, démonté les tentes et entreposé le matériel à l’abri, sous des bâches. Plusieurs jeunes ont été abrités dans les bus. Beaucoup d’autres ont affronté la pluie en chantant, devant des secouristes de la Protection civile ébahis par une telle force de caractère. « C’est un rassemblement inédit par son ampleur et nous avons constaté le sens des responsabilités des organisateurs », confie pour sa part à Famille Chrétienne Clémence Lecœur, directrice de cabinet du Préfet du Loir-et-Cher, avant de lâcher : « Ce n’est pas comme si c’était un festival techno ».
Le violent coup de vent… de l’Esprit-Saint
Affronter les épreuves avec le sourire, « c’est le résumé du scoutisme… et de la vie », affirment en chœur Anne-Laure et François Peaucelle, Commissaires généraux SUF. L’orage passé, les tentes sont remontées, nombre de duvets et vêtements essorés pour passer une première nuit un peu éprouvante. Mais au petit matin de la Pentecôte, les milliers de scouts rayonnants reprennent progressivement le programme prévu. La grande plaine du domaine de Chambord, dans l’après-midi, est le théâtre d’un grand jeu aux dimensions inédites et où l’imaginaire est à l’œuvre : Flamine et Adalbert Sufus, astrologues à la cour de François 1er, auraient prédit « un rassemblement étrange » à Chambord en 2022…
Derrière les deux personnages fictifs, 50 équipes de 600 scouts de toutes les branches s’affrontent alors pour dégoter les bougies du jubilé du mouvement SUF dans une série de jeux : téléphone arabe, lancer de balles, ou encore le fameux « paquito » basque où louveteaux et jeannettes s’envolent joyeusement dans les airs, passant de bras en bras au-dessus d’une chaine d’aînés. Après le jeu et l’excitation, la plaine s’apaise. Accompagné d’une centaine d’aumôniers, Mgr Matthieu Rougé préside la messe de la Pentecôte devant une marée humaine d’où s’élèvent d’innombrables mâts de meute, arbres de mai, staffs de patrouille et étendards.
L’évêque de Nanterre exhorte les scouts à vivre de l’Esprit saint descendu sur les apôtres « dans un violent coup de vent », rappelant dans un clin d’œil les fortes intempéries de la veille. C’est ce même Esprit saint qui donne à chaque scout la force de prononcer et de tenir sa promesse, explique Mgr Rougé avant d’inviter les scouts à se demander « comment servir « de (leur) mieux » Dieu, par la foi et l’espérance persévérante, l’Eglise par telle ou telle forme d’engagement, mariage, sacerdoce, vie religieuse, la patrie, par le service courageux des autres et de la cité ». « N’ayons peur ni du présent ni de l’avenir : vivons de la force de l’Evangile et de l’Esprit », conclut l’évêque de Nanterre. En marge de la messe, il confie sa joie de participer à un tel rassemblement et de voir que la foi est à l’œuvre. La veille, il bénissait des pèlerins partis à pieds pour Chartres et se rendra le lendemain au FRAT, le grand rassemblement des collégiens d’Île de France.
L’émouvant chant de Notre-Dame des éclaireurs
Après la messe, sur la grande plaine de Chambord, la logistique s’accélère à nouveau et des dizaines de milliers de sandwichs et de macarons sont distribués. Infatigables, louveteaux et jeannettes rivalisent de cris et de chants. Eclaireurs et guides ne sont pas en reste et perdent peu à peu leur voix. Puis l’imaginaire revient au galop avec la grande veillée au cours de laquelle Flamine et Adalbert Sufus retracent l’histoire des SUF. Au passage, petit rappel en images du rassemblement qui avait réuni 17 000 SUF pour le centenaire du scoutisme en 2007. C’était à Chambord, déjà, et pour trois jours de pluie… Les traditions sont tenaces !
Alors que file la veillée, les complices de François 1er invitent enfin à allumer les bougies du jubilé d’or du mouvement. Au soleil couchant, dans des cris de joie, les torches s’embrasent et passent symboliquement de mains en mains, d’abord portées par une petite jeannette, puis finalement tenues par un couple de chefs de groupe. Le soir étend sur la plaine son grand manteau de velours… et l’assemblée prie pour les scouts et guides du monde entier : « O Vierge de lumiere, étoile de nos cœurs, entends notre prière, Notre-Dame des éclaireurs ».
40% d’effectifs supplémentaires en 10 ans !
Dans la foule, une pétillante octogénaire insiste sur « la mission de témoignage » des scouts aujourd’hui. C’est Madeleine Escande, fondatrice de la branche louveteau en 1971. Quant au frère Nicolas Burle, aumônier général, il assure combien « il était important de fêter cet anniversaire en famille, de jouer et de prier tous ensemble ». « Le scoutisme, c’est la joie », renchérit le dominicain. Une joie particulièrement visible sur les visages des jeunes au fil de ces trois jours. Sur les visages des cadres du mouvement également. Après des années de vie discrète, les SUF sortent du bois et communiquent sur leur insolent succès : 40% d’effectifs supplémentaires en 10 ans !
Signe que le scoutisme a de l’avenir pour une génération en quête de sens, cette croissance est particulièrement importante au sein des branches rouges, routiers et guides-aînées. « La pédagogie scoute répond aux attentes de ces jeunes, aujourd’hui comme hier », confirme Anne-Laure Peaucelle, commissaire générale du mouvement avec son époux. S’ils peuvent parfois passer pour des ovnis aux yeux du monde, les scouts interpellent le monde dans lequel ils vivent. Et la commissaire générale de conclure : « Ces jeunes sont des prophètes ». Des prophètes heureux.